Points saillants des décisions dignes d'attention

Décision 693 20 R
2021-11-02
R. McCutcheon
  • Procédure (question théorique)
  • Réexamen (opportunité) (caractère définitif)
  • Réexamen (éclaircissement de la décision)
  • Directives et lignes directrices de la Commission (stress mental) (chronique)

La Commission a fait une demande d’éclaircissement, soutenant que l’interprétation du critère de la cause prédominante adoptée dans la décision no 693/20 ne cadre pas avec le libellé de la politique sur le stress chronique et citant les articles 126 et 159 de la Loi de 1997.

La présidente a conclu que, même si elle avait présenté une demande d’éclaircissement, la Commission n’était manifestement pas d’accord avec le raisonnement suivi dans la décision initiale. La demande était donc une demande de réexamen plutôt que d’éclaircissement.
La Commission a aussi souligné qu’elle est investie de certains pouvoirs l’autorisant à formuler des politiques par suite de modifications apportées au paragraphe 159 (2) de la Loi de 1997. La décision no 693/20 ne traite pas de cette disposition dans l’interprétation de la politique sur le stress chronique.
La présidente a conclu qu’il n’était pas opportun de réexaminer le raisonnement de la décision no 693/20 en ce qui concerne l’interprétation du critère de la cause prédominante dans la politique sur le stress chronique.
Le raisonnement contesté dans la décision no 693/20 n’était pas intégral à l’issue de l’appel. Toute modification de ce raisonnement n’aurait aucune incidence sur le résultat de l’appel. Autrement dit, la question soulevée dans la demande d’éclaircissement était à caractère théorique : il n’y avait pas de litige actuel ni de différend concret à régler.
Dans l’arrêt Borowski c. Canada, la Cour suprême a établi une analyse en deux temps aux fins de l’application de la doctrine du caractère théorique. Premièrement, il faut considérer la politique ou pratique générale voulant qu’un tribunal puisse refuser de régler un litige ne soulevant qu’une question hypothétique ou abstraite. Deuxièmement, il faut considérer l’exercice approprié du pouvoir discrétionnaire d’un tribunal de refuser d’examiner un litige en s’appuyant sur les trois principes sous-tendant la doctrine du caractère théorique : (1) la compétence d’un tribunal de régler des litiges tire son origine du système contradictoire ; (2) l’économie des ressources judiciaires ; (3) la nécessité d’être sensible au rôle juridictionnel dans les fonctions législatives.
Les trois principes sous-tendant la doctrine du caractère théorique ne s’appliquaient pas directement au contexte administratif, mais ils étaient pertinents par analogie.
Relativement au premier principe, il est généralement reconnu que le Tribunal exerce ses fonctions juridictionnelles dans un contexte non contradictoire. Cependant, même dans ce contexte, les nouvelles questions juridiques et de politique doivent être réglées dans le cadre d’un litige actuel, à la lumière d’observations complètes de la part des parties touchées et, s’il y a lieu, du point de vue particulier d’intervenants. Le premier principe ne militait donc pas en faveur de l’examen de la demande de la Commission.
Le deuxième principe, soit l’économie des ressources judiciaires (ou administratives en l’espèce), était directement pertinent. Les parties avaient reçu une décision définitive du Tribunal sur le fond de l’appel. La Loi de 1997 stipule que les décisions du Tribunal sont définitives (paragraphe 123 (4)), et ce caractère de finalité est au cœur de l’approche du Tribunal à l’égard des demandes de réexamen. Ni l’une ni l’autre des parties n’avait jugé approprié d’investir du temps et des ressources au dépôt d’une réponse à la demande de la Commission. Pour traiter complètement et équitablement la question soulevée par la Commission dans le cadre d’un processus de réexamen, il aurait fallu que le Tribunal obtienne des observations d’un conseiller juridique du Tribunal et, peut-être, d’intervenants. Cela n’aurait pas été une utilisation judicieuse du temps et des ressources du Tribunal en l’absence d’un litige actuel.
La question de l’économie des ressources administratives peut être soupesée en fonction de l’intérêt général du public à ce qu’une question soit réglée. Une telle utilisation des ressources peut être justifiée pour régler les litiges qui, bien que théoriques, sont de nature répétitive mais de courte durée, comme dans les requêtes interlocutoires. Tel n’était toutefois pas le cas en l’espèce. La question n’était pas de nature éphémère ou limitée comme celles examinées dans les requêtes interlocutoires. La question soulevée par la Commission finirait par se présenter lors de l’instruction d’un appel. Même si la question d’interprétation soulevée dans la demande de réexamen de la Commission était une question de fond que le Tribunal devrait éventuellement régler, il était approprié d’attendre pour l’examiner quand elle serait soulevée dans un appel et présenterait de l’intérêt pour les parties.
Le troisième principe n’était pas aussi pertinent en l’espèce puisque le rôle et la compétence du Tribunal, qui a été créé par le législateur, se distinguent de ceux d’une cour supérieure. Néanmoins, traiter du point de droit soulevé par la Commission en l’absence d’un litige actuel aurait pu donner lieu à un exercice s’apparentant à l’examen d’un renvoi, alors que le Tribunal n’a pas le pouvoir légal de traiter une question présentée par renvoi.
La demande de réexamen de la Commission semblait soulever une importante question d’interprétation législative dans les dossiers d’indemnisation pour stress chronique, mais il n’était pas opportun d’entreprendre un processus de réexamen pour la régler en l’espèce, compte tenu des facteurs suivants.
• L’éclaircissement n’aurait aucune incidence sur l’issue de l’appel. La question était théorique puisqu’il n’y avait pas de litige ou de différend actuel.
• Le processus de réexamen repose sur le principe que les parties ont intérêt à ce que les décisions du Tribunal conservent leur caractère de finalité.
• Le Tribunal n’avait pas reçu des observations complètes sur la question soulevée dans la demande de réexamen de la Commission, le travailleur et l’employeur ayant tous deux décliné de présenter leurs observations à son sujet.
• Il n’aurait pas été judicieux d’utiliser les ressources du Tribunal pour effectuer les démarches nécessaires à l’obtention d’observations complètes en l’absence d’un litige actuel dans l’appel.
• Il était probable que le Tribunal finirait par être saisi de la question soulevée par la Commission directement dans un futur appel.
La présidente a reconnu que la demande avançait des arguments importants que le Tribunal devra examiner dans de futures décisions concernant le stress chronique, et ce, à la lumière d’observations complètes. Ainsi, dans de futurs appels dont l’issue dépend du critère de la cause prédominante ou de la définition de « facteur de stress important relié au travail » dans la politique, le Tribunal pourra envisager : de demander des observations d’un conseiller juridique du Tribunal et des observations de la part de la Commission à titre d’amicus curiae ; d’inviter la participation d’intervenants ou d’utiliser toute autre méthode jugée appropriée par les décideurs pour se procurer des observations complètes. Le Résumé de la consultation concernant la politique sur le stress chronique a été annexé à la décision.
La demande de réexamen a été rejetée.