Points saillants des décisions dignes d'attention

Décision 2346 12
2019-03-08
G. Dee (FT) - E. Tracey - C. Salama
  • Charte des droits (droit à la vie, à la liberté et à la sécurité)
  • Tarification par incidence (rajustement de prime relatif à une demande de prestations pour décès)
  • Cotisation des employeurs (rajustement de prime relatif à une demande de prestations pour décès)
  • Directives et lignes directrices de la Commission (cotisation de l’employeur) (rajustement de prime relatif à une demande de prestations pour décès)
  • Charte des droits (affaires criminelles et pénales)

En 2008, l’employeur s’attendait à un rabais de plus de 1 000 000 $ dans le cadre de la Nouvelle méthode expérimentale de tarification par incidence (NMETI) en reconnaissance de ses antécédents en matière d’accidents pour les années 2005, 2006 et 2007. Le 30 octobre 2008, un travailleur est décédé des suites d’un accident professionnel. La Commission a refusé le rajustement de prime attendu conformément au document no 14-02-17 sur le rajustement de prime par suite d’une demande de prestations pour décès. L’employeur a interjeté appel.

L’employeur soutenait que les dispositions de cette politique n’étaient pas autorisées par la Loi de 1997. Dans la décision no 2346/12I5, le comité a accepté la directive de la Commission indiquant que le document no 14-02-17 était autorisé par la Loi de 1997. Aux termes de la politique, l’employeur devait perdre son rabais de tarification par incidence. Comme le comité l’avait déterminé dans la décision no 2436/12I2, l’employeur ne pouvait pas invoquer la disposition sur le bien-fondé et l’équité pour retenir son rabais.
Dans cette décision, le comité examine si la politique contrevient à la Charte des droits, plus précisément à l’article 7 concernant la sécurité de la personne ou au paragraphe 11 h) concernant le double péril.
Aux termes de l’article 7 de la Charte, chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. À l’examen d’arrêts de la Cour suprême, le comité a noté que cette disposition ne s’applique pas aux sociétés ni aux droits de propriété. Cependant, nul, y compris une société, ne devrait faire l’objet de procédures et de sanctions coercitives autorisées par une loi inconstitutionnelle. Par son appel, l’employeur répondait à une mesure dont il avait fait l’objet de la part de la Commission. Par suite de cette mesure, il était privé d’un rabais de plus 1 000 000 $ auquel il s’attendait. Le comité a estimé que l’employeur était en droit d’arguer que la politique sur le rajustement de prime par suite d’une demande de prestations pour décès ne devait pas être appliquée parce qu’elle contrevenait à l’article 7 de la Charte.
Le comité a conclu que la politique ne contrevenait pas à l’article 7 de la Charte. L’employeur n’a pas démontré que la politique porte atteinte aux droits de qui que ce soit aux termes de l’article 7. La politique crée tout au plus une pénalité financière touchant à la propriété. L’employeur n’a avancé aucun argument pour établir que l’imposition d’une telle pénalité porte atteinte à la vie, à la liberté ou à la sécurité de quiconque.
Le paragraphe 11 h) de la Charte prévoit qu’une personne accusée d’une infraction a le droit de ne pas être jugée de nouveau pour une infraction dont elle a définitivement été trouvée coupable et punie. En l’espèce, l’employeur a été accusé d’une infraction provinciale à la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST). À la suite d’un plaidoyer de culpabilité, il a été condamné à une amende de 375 000 $.
Il n’était pas contesté que, dans les circonstances appropriées, une société bénéficie généralement de la protection prévue à l’article 11 de la Charte. Compte tenu de la déclaration de culpabilité aux termes de la LSST, l’employeur pouvait présenter sa revendication en application du paragraphe 11 h) de la Charte.
À l’examen d’arrêts de la Cour suprême, le comité a noté que, pour avoir droit à la protection de l’article 11, la procédure en question doit, de par sa nature, être une procédure criminelle ou, si tel n’est pas le cas, la déclaration de culpabilité relative à l’infraction doit être susceptible d’entraîner une véritable conséquence pénale. Le comité était convaincu que la procédure instruite en vertu de la LSST était de nature criminelle et que la déclaration de culpabilité et la pénalité qui en avaient résulté ouvraient droit à la protection du paragraphe 11 h). L’employeur ne pouvait donc pas être jugé ou puni de nouveau pour la même infraction.
Un accident peut donner lieu à plus d’une accusation criminelle à l’endroit d’une personne, dans la mesure où ces accusations ne concernent pas la même infraction. Pour qu’une augmentation de prime aux termes de la politique sur le rajustement de prime par suite d’une demande de prestations pour décès soit prohibée, il faut une correspondance suffisante entre les éléments de l’infraction à la LSST et les motifs d’une telle augmentation.
Une personne impliquée dans un accident unique qui est déclarée coupable d’une infraction peut subir de nombreuses autres conséquences juridiques négatives. Nombre de ces conséquences ne sont pas considérées comme des sanctions pour la même infraction aux fins du paragraphe 11 h) de la Charte.
L’employeur était responsable d’avoir permis les circonstances entourant le décès d’un de ses travailleurs. L’employeur avait été déclaré coupable et condamné à payer une amende aux termes de la LSST. Il faisait aussi face à une augmentation de prime aux termes de la Loi de 1997. Le comité a estimé qu’il n’y avait pas une correspondance suffisante entre l’infraction à la LSST et les motifs de l’augmentation de prime. Les primes augmentent après un décès professionnel, peu importe si l’employeur a été accusé ou déclaré coupable aux termes de la LSST. Un employeur déclaré coupable aux termes de la LSST peut aussi ne pas subir une augmentation de prime s’il ne s’attendait pas à un rabais de tarification par incidence.
En outre, la LSST et les poursuites aux termes de cette loi visent à promouvoir la santé et la sécurité au travail par l’application de normes précises. Selon son libellé et les circonstances entourant sa création, la politique sur le rajustement de prime par suite d’une demande de prestations pour décès vise à prévenir l’octroi de rabais de tarification par incidence aux employeurs responsables du décès de travailleurs, ces rabais étant censés récompenser les bonnes pratiques en matière de santé et de sécurité. L’importance de l’augmentation de prime est uniquement fonction de l’importance du rabais de tarification par incidence, et non des facteurs indiquant des conditions d’emploi non sécuritaires chez l’employeur.
Le comité a conclu que la politique ne contrevenait pas au paragraphe 11 h) de la Charte. La politique sur le rajustement de prime par suite d’une demande de prestations pour décès s’appliquait à l’employeur.
L’appel a été rejeté.