Points saillants des décisions dignes d'attention

Décision 771 16
2017-02-15
J. Moore
  • Compétence du Tribunal (fonctionnaire fédéral)
  • Compétence du Tribunal (droit d’intenter une action) (Loi sur l’indemnisation des agents de l’État)
  • Travailleurs des postes (commis)
  • Droit d’intenter une action
  • Travailleur (contrat de service)
  • Exploitant indépendant (travailleur des postes)

La demanderesse dans une action civile était passagère dans un véhicule conduit par la défenderesse. Elles faisaient des livraisons pour le compte d’une société d’État fédérale. La défenderesse a déposé une requête aux termes de l’article 31 de la Loi de 1997 pour que le Tribunal détermine si la demanderesse avait le droit d’intenter une action.

Dans la décision no 771/16I, le vice-président a conclu que le Tribunal était compétent pour examiner la requête.
La défenderesse était employée par la Société canadienne des postes à titre de courrière du service des postes suburbaines et rurales. La demanderesse était l'assistante ergonomique qui l’aidait à livrer le courrier. Postes Canada considérait la défenderesse comme une employée à plein temps et la demanderesse comme une entrepreneure occasionnelle, et non comme une employée des postes.
Le paragraphe 4 (2) de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État (LIAÉ) prévoit que les agents de l’État ont droit à l’indemnité prévue par la législation de la province où ils exercent habituellement leurs fonctions. Aux termes de l’article 2, « agents de l’État » s’entend de toute personne au service de Sa Majesté ou de tout employé d’une personne morale que le ministre déclare être un employé aux fins de la LIAÉ. Selon l’article 12, quand un agent de l’État subit un accident en cours d’emploi, celui-ci ne peut exercer aucun recours contre Sa Majesté ou un fonctionnaire autre que de demander l’indemnité prévue dans le cadre de la LIAÉ.
La Société canadienne des postes a été créée en 1981 en vertu de la Loi sur la Société canadienne des postes (LSCP), aux termes de laquelle le service postal fédéral est devenu une société d’État. Le service postal relevait auparavant de la Loi sur les postes (LSP). Aux termes de la LSP, les employés des postes étaient des employés de Sa Majesté, mais, aux termes de la LSCP, ils sont des employés d’une société d’État. La situation des travailleurs postaux ne cadre donc plus avec la première définition du terme « employé » fournie dans la LIAÉ. Elle cadre plutôt avec la deuxième définition, soit une personne occupant une charge ou un emploi au sein d’une personne morale et que le ministre déclare être un agent de l’État. Une telle déclaration a été faite par décret en 1981.
La défenderesse soutenait que ce décret s’appliquait dans le cas de la demanderesse. La demanderesse soutenait qu’elle n’était pas une employée au sens du décret et que la Loi ne supprimait donc pas son droit d’action.
La définition d’employé des postes prévue à l’article 2 de la LSP incluait toute personne employée par la Société canadienne des postes, mais elle n’incluait pas les entrepreneurs postaux. Aux termes de la LSCP, « entrepreneur postal » s’entend de toute personne partie à un contrat d’entreprise avec la Société pour la transmission des envois. « Employé des postes » n’est pas défini dans la LSCP. L’article 12 de la LSCP prévoit que la Société peut employer le personnel et retenir les services de mandataires, conseillers et experts. Le paragraphe 13 (1) de la LSCP stipule que les personnes engagées sont réputées ne pas faire partie de l’administration publique fédérale. Le paragraphe 13 (5) prévoit que les entrepreneurs postaux sont réputés n’être ni des entrepreneurs dépendants ni des employés.
Dans l’arrêt Société canadienne des postes c. S.T.T.P., la Cour d’appel fédérale examine l’historique législatif et conclut que le législateur n’avait pas l’intention de considérer les entrepreneurs postaux comme des employés des postes. Selon le vice-président, la Cour a ainsi affirmé que, malgré ce qui semblait essentiellement constituer un contrat de service, le législateur avait délibérément choisi de traiter les entrepreneurs postaux comme des exploitants indépendants et non comme des employés. La Cour de l’impôt a rendu de nombreux jugements dans lesquels elle suit le raisonnement de la Cour d’appel fédérale.
Le vice-président a aussi examiné l’arrêt Société canadienne des postes c. Carroll dans lequel la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick conclut qu’une disposition contractuelle ne peut permettre de passer outre à la définition législative du terme « agent de l’État » dans la LIAÉ.
Le vice-président a estimé que l’analyse de la Cour d’appel fédérale était plus convaincante que celle de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick. Il a estimé que la Cour du Nouveau-Brunswick n’a pas suffisamment considéré l’historique législatif et qu’elle n’a pas traité de la conclusion de la Cour d’appel fédérale selon laquelle la LIAÉ maintient le statut d’entrepreneurs postaux indépendants des facteurs ruraux.
Le vice-président a conclu que la demanderesse était une exploitante indépendante et non une employée de la Société canadienne des postes. Elle n’était donc pas visée par le décret assimilant les employés de la Société canadienne des postes aux employés aux fins de la LIAÉ. La demanderesse n’avait donc pas droit à une indemnité du régime d’assurance de l’Ontario aux termes de l’article 4 de la LIAÉ.
La Loi ne supprimait donc pas le droit d’action de la demanderesse.