Points saillants des décisions dignes d'attention

Décision 241 22
2022-07-04
M. Keil
  • Soins de santé (modification domiciliaire) (piscine)
  • Preuve (valeur probante) (rapport médical)

La question en appel était celle de savoir si le travailleur avait droit à un spa de nage à domicile. Le travailleur avait subi une fracture au niveau C6-7, le rendant quadriplégique. Il avait reçu une indemnité pour PNF de 97 % pour ses déficiences.

L’appel a été accueilli.
Suivent les arguments à l’appui de la demande du travailleur compris dans ses observations : un spa de nage à domicile permettait de suivre de l’hydrothérapie à domicile de façon sécuritaire, pratique et accessible ; les avantages de l’hydrothérapie sont uniques par rapport à d’autres types de thérapie (p. ex. : il peut se tenir debout pendant 25 minutes à la fois dans l’eau, mais seulement 2 à 5 minutes en dehors) ; la seule piscine accessible (avec une lève-personne mécanique dans le vestiaire) était située à une heure de son domicile et présentait des problèmes de régulation chimique de la température et d’accès à la lève-personne ; le physiothérapeute agréé de longue date du travailleur avait fortement recommandé un spa de nage à domicile.
La vice-présidente a noté que, aux termes du paragraphe 33 (1) de la Loi de 1997, le travailleur qui subit une lésion indemnisable a droit aux soins de santé nécessaires, appropriés et suffisants, par suite de l’accident. De plus, personne ne contestait le fait que le travailleur remplissait les critères prévus dans le document nos 17-06-03 et 17-06-08 du MPO relativement aux travailleurs atteints d’une déficience grave. La vice-présidente a noté que l’admissibilité concernait la question de savoir si la demande était « nécessaire, appropriée et suffisante » aux termes de la politique.
En ce qui concerne l’accessibilité, la vice-présidente a noté que la piscine était fermée en raison de la pandémie, et une fois, le travailleur était resté coincé dans un lève-personne brisée et une équipe d’intervention avait dû le dégager. Malgré ces circonstances exceptionnelles, la vice-présidente a reconnu que la piscine ne pouvait seulement aider le travailleur à des heures restreintes et spécifiques, ce qui posait des limitations à son autonomie. Un fauteuil roulant n’était disponible que trois fois par semaine pendant une période de deux heures. La majorité de cette période de deux heures servait à faire les transferts au moyen du lève-personne. Qui plus est, il fallait conduire deux heures en tout pour se rendre à la piscine et en revenir, ce qui prenant beaucoup de temps pour une personne qui s’épuisait rapidement. Les renseignements au dossier établissaient aussi que la température de l’eau de la piscine n’était pas régularisée pour s’adapter aux besoins du travailleur qui nécessitait des températures moins extrêmes. Il s’agissait-là d’un point important, car sa lésion à la colonne vertébrale nuisait à sa capacité de régulariser la température.
De plus, le travailleur a soutenu que le risque d’infection était plus élevé à la piscine publique. La vice-présidente n’était pas en mesure de vérifier cette information, mais elle a reconnu que le travailleur présentait un risque élevé de problèmes cutanés et autres infections possibles. Le dossier médical indiquait aussi qu’il était vulnérable à de tels troubles. Il était donc raisonnable de conclure qu’un contact accru avec les autres présentait un risque d’infection plus élevé. Même si la chloration fournit un niveau de sécurité, la vice-présidente a noté qu’un niveau plus élevé de substances chimiques pouvait aussi poser un danger pour la peau sensible du travailleur.
La vice-présidente a conclu que les installations de piscine disponibles pour le travailleur n’étaient pas appropriées ni suffisantes pour répondre à ses besoins. Elle s’est ensuite penchée sur la deuxième étape de l’analyse à savoir si d’autres solutions thérapeutiques pouvaient remplacer l’hydrothérapie.
La vice-présidente a noté que les traitements élaborés actuels du travailleur avaient été déterminés en vue de l’aider à fonctionner à un niveau physiquement optimal. Or, elle n’était pas convaincue que les modalités des traitements disponibles cadraient avec les avantages spécifiques de l’hydrothérapie, ou avec les avantages interactifs de combiner la thérapie de l’eau et de l’air. La vice-présidente a noté que le travailleur éprouvait moins de spasticité et de douleur grâce à l’hydrothérapie. Lors de l’hydrothérapie, sa capacité à bouger et à accomplir des tâches fonctionnelles s’était améliorée et il pouvait se tenir debout pendant 25 minutes par rapport à 5 minutes en dehors de l’eau. On a aussi indiqué que l’hydrothérapie permettait d’améliorer les fonctions cardiovasculaires et respiratoires, en plus d’aider à faire de l’exercice sans usage excessif des membres supérieurs ni trop de tension sur ceux-ci.
La vice-présidente a ensuite abordé la troisième étape de l’analyse à savoir si le spa de nage à domicile pouvait être considéré comme nécessaire, approprié et suffisant. La vice-présidente a réitéré que le travailleur remplissait le critère prévu dans les documents pertinents du MPO, car il était atteint d’une déficience grave. Elle a aussi conclu que le spa de nage à domicile cadrait plus avec l’objectif du document no 17-06-03 du MPO et ses critères d’admissibilité. La vice-présidente a aussi noté que le spa de nage aiderait le travailleur à être plus mobile, à prendre soin de lui et à prévenir d’autres complications médicales. De plus, le travailleur était dans la quarantaine, et la piscine répondrait à un besoin à long terme ou permanent. Le travailleur pouvait aussi l’utiliser de façon sécuritaire et efficace. On a aussi souligné que le travailleur détenait déjà les appareils fonctionnels nécessaires aux transferts sécuritaires à domicile. Deux inhalothérapeutes travaillaient aussi à son domicile quatre jours par semaine, ce qui maximiserait le temps consacré dans la piscine. Qui plus est, son médecin de famille, son physiatre et deux physiothérapeutes lui avaient prescrit un spa de nage à domicile.
De plus, la vice-présidente a noté que, même si le spa de nage était très coûteux, la Commission n’avait pas soulevé ce point comme facteur important. En outre, la Commission avait approuvé plusieurs appareils coûteux pour améliorer la qualité de vie du travailleur. La vice-présidente a reconnu que l’autre option plus rentable (piscine municipale) n’était pas appropriée pour le travailleur. La vice-présidente a aussi fait référence à la décision no 1594/01, laquelle indiquait ce qui suit. « […] lorsque nous devons déterminer ce qui est “approprié” pour la qualité de vie du travailleur, il faut tenir compte de la vie du travailleur suite à sa lésion indemnisable ». La vice-présidente a accepté que l’hydrothérapie permettait au travailleur de bouger librement par lui-même grâce à la flottabilité de l’eau. Aucun autre appareil ne lui permettait de retrouver cette autonomie. Elle a affirmé que, même si on ne pouvait pas évaluer les avantages psychologiques, il était évident qu’il avait de la valeur sur le plus intuitif. De plus, le fait que toute la famille du travailleur pouvait profiter du spa de nage à domicile n’enlevait rien au fait qu’il avantageait principalement le travailleur. La vice-présidente ne voyait aucun problème à ce que toute la famille du travailleur en profite ensemble en privé.
Enfin, la vice-présidente a estimé que la situation du travailleur cadrait avec les exigences de la politique selon laquelle l’aide était nécessaire, appropriée et suffisante. Le travailleur avait donc droit à un spa de nage à domicile.