Points saillants des décisions dignes d'attention

Décision 105 19
2022-01-13
L. Gehrke - R. Ouellette - K. Hoskin
  • Directives et lignes directrices de la Commission (cancer) (gastro-intestinal)
  • Cancer (œsophagien)
  • Exposition (amiante)

Le travailleur, un mécanicien de fond, avait travaillé de 1972 à 2007 dans des mines d’uranium, d’or et de nickel. Il avait reçu un diagnostic d’adénocarcinome à la jonction œsophagienne en octobre 2007 et était décédé en décembre 2007. Sa succession interjetait appel de la décision du commissaire aux appels de refuser de reconnaître le droit à des prestations de survivant. Dans la décision no 105/19I, le comité a constaté que le travailleur avait des antécédents de tabagisme de 34 paquets-année et que son père, qui avait travaillé dans une mine d’uranium, avait reçu un diagnostic de cancer de la prostate. Le comité a aussi tiré des conclusions au sujet des antécédents professionnels du travailleur, et il a demandé un rapport d’expert en hygiène du travail relativement à ses expositions professionnelles. Dans la décision no 105/19I2, le comité a tiré des conclusions relativement aux expositions en s’appuyant sur le rapport d’expert demandé dans sa première décision provisoire, et il a demandé l’aide d’un assesseur médical du Tribunal.

L’appel a été accueilli.
Le travailleur avait droit à indemnisation aux termes de la politique de la Commission sur le cancer gastro-intestinal (document no 16-02-11 du Manuel des politiques opérationnelles). Étant situé à la jonction de l’œsophage et de l’estomac, le cancer de la jonction œsophagienne appartient à la catégorie des cancers gastro-intestinaux, avec les cancers gastriques et œsophagiens, aux termes de la politique.
Selon la politique, les demandes d’indemnisation sont examinées favorablement quand le travailleur présente des antécédents clairs et adéquats d’exposition continue et répétitive à la poussière d’amiante et quand une telle exposition est une composante importante ou une manifestation de ses activités professionnelles.
L’interprétation de cette politique est traitée dans le document de recherche de la DPRMP publié en 2009 dont il est question dans la décision no 144/12. Selon ce document, aux termes de la politique, l’exposition régulière et importante à l’amiante est censée constituer une exposition suffisante pour expliquer l’apparition d'un cancer gastro-intestinal. Le terme « antécédents clairs et adéquats » s’entend d’une exposition connue à l’amiante par opposition à une exposition de nature hypothétique ou spéculative. Le terme « exposition de nature continue » s’entend d’une exposition continue, et non d’une exposition brève telle qu’une exposition de six mois. Le terme « exposition de nature répétitive » s’entend de la fréquence de l’exposition, soit quotidienne ou de trois à cinq par semaine. Enfin, comme elle doit être continue et répétitive, l’exposition à la poussière d’amiante doit être une composante majeure des activités professionnelles.
La preuve permettait d’établir que le travailleur avait des antécédents clairs et adéquats d’exposition à l’amiante, et cette exposition constituait une composante majeure de ses activités professionnelles. Le travailleur avait été exposé à la poussière d’amiante quotidiennement de 1972 à 1979 à raison de neuf à 20 heures par semaine. Comme il avait reçu son diagnostic 35 ans après sa première exposition, le critère de la période de latence de 20 ans prévu dans la politique était aussi rempli.
Dans son rapport, l’assesseur médical du Tribunal a noté que, selon les publications médicales sur le sujet, le lien entre le cancer de la jonction gastro-œsophagienne et l’exposition à l’amiante était incertain. Il a estimé qu’il était impossible d’exclure la possibilité que les expositions professionnelles aient contribué au cancer mais que la preuve relative au tabagisme et à l’obésité avait beaucoup plus de poids et que ces facteurs de risque avaient probablement contribué.
La certitude médicale n’était toutefois pas la norme de preuve applicable en l’espèce. Il fallait plutôt déterminer selon la prépondérance des probabilités si l’exposition à l’amiante avait contribué de façon importante au cancer.
Selon la politique de la Commission, élaborée en fonction d’avis médicaux provenant d’experts, tous les cancers gastro-intestinaux remplissant les critères d’exposition sont examinés pour déterminer s’ils ouvrent droit à indemnisation, sans tenir compte du site du cancer. Compte tenu de l’incertitude scientifique possible, la politique fournit une structure décisionnelle pour trancher si l’exposition à l’amiante a contribué de façon importante dans un cas particulier. La politique ne traite toutefois pas du rôle des facteurs non indemnisables.
Même si les facteurs non indemnisables du tabagisme et de l’obésité pouvaient avoir contribué de façon importante, celui de l’exposition à l’amiante avait aussi contribué de façon importante et il ouvrait droit à indemnisation aux termes de la politique.