- Conséquences de la lésion (maladie iatrogène) (médication)
- Preuve (épidémiologique)
- Compétence du Tribunal (question implicitement traitée par la Commission)
- Insuffisance rénale
- Contribution importante (de l’accident indemnisable à l’apparition de l’état pathologique)
Le travailleur avait subi des lésions multiples en août 2014 quand un véhicule Bobcat avait reculé sur lui dans un chantier de construction. La Commission lui avait reconnu le droit à une indemnité pour perte non financière de 49 % pour déficience organique et invalidité attribuable à un traumatisme psychique. Le travailleur a interjeté appel de la décision du commissaire aux appels de ne pas lui reconnaître le droit à indemnisation pour une insuffisance rénale.
Le litige portait sur la question générale du droit à indemnisation pour un problème rénal résultant directement de la lésion, ou pour un problème rénal secondaire à la lésion. Il fallait plus précisément déterminer : si la lésion avait provoqué l’apparition ou la progression de l’insuffisance rénale, ou si elle y avait contribué ; si la prise de médicaments à la suite de la lésion indemnisable avait provoqué l’insuffisance rénale, ou si elle y avait contribué ; si une surdose de médicaments en juillet 2009 avait provoqué l’insuffisance rénale, ou si elle y avait contribué.La norme de preuve dans les instances d’assurance contre les accidents du travail est la prépondérance des probabilités. La preuve doit démontrer plus que la simple possibilité d’un lien de causalité pour établir le droit à indemnisation. Une inférence peut, dans certaines circonstances, mener à la constatation d’une contribution importante, mais une théorie de causalité ne peut être spéculative et doit s’appuyer sur la preuve.Le comité d’audience s’est aussi référé à la décision no 600/97, décision de principe du Tribunal sur l’interprétation de la preuve épidémiologique dans la détermination d’un lien de causalité. La décision no 600/97 appuie le postulat général selon lequel un ratio d’incidence standardisé (RIS) de 200 (ou un ratio d’incidence rapproché de 2) ou plus permet une inférence de causalité. Quand le RIS est inférieur, le Tribunal examine si des facteurs particuliers au cas visé peuvent aider à déterminer si la preuve à l’appui est suffisante pour conclure en l’existence d’un lien de causalité.Au vu de la preuve, la lésion professionnelle n’avait pas provoqué l’insuffisance rénale, et elle n’y avait pas contribué.La preuve, en particulier l’opinion d’un assesseur médical du Tribunal, indiquait que la prise de médicaments prescrits par suite de la lésion indemnisable n’avait pas provoqué l’insuffisance rénale et qu’elle n’y avait pas contribué. Le comité a noté que le travailleur avait pris du lithium pendant 30 ans avant l’accident et que la prise de ce médicament est un facteur de risque connu de maladies rénales. Il prenait des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) seulement depuis 19 mois environ quand il avait commencé à avoir besoin de soins médicaux pour une maladie rénale. Il était plus probable que son problème rénal avait été causé par la prise prolongée de lithium, compte tenu de l’importance de la dysfonction rénale par rapport à la durée de la prise d’AINS. L’assesseur a trouvé très spéculatif d’estimer dans quelle mesure les AINS pris pour la lésion indemnisable avaient contribué à la dysfonction rénale. La preuve épidémiologique la plus forte d’un lien de causalité entre la prise de médicaments indiquait une augmentation de 1,63 du risque, ce qui est bien en deçà de ce qui est requis pour tirer une inférence de causalité.Le travailleur avait fait une tentative de suicide en juillet 2009 en prenant une surdose de diazépam. La Commission n’avait pas explicitement examiné si cette surdose avait contribué au problème rénal. Toutefois, le litige portait sur la question générale du droit à indemnisation pour insuffisance rénale. De plus, l’existence d’un lien de causalité entre la tentative de suicide et les troubles psychiques indemnisables du travailleur était implicitement admise. Le comité a conclu que le Tribunal avait compétence pour examiner le droit à indemnisation pour les effets de la surdose sur la fonction rénale du travailleur.Le comité a accepté l’opinion de l’assesseur médical du Tribunal selon laquelle la surdose avait probablement eu des effets sur la fonction rénale du travailleur. La norme de preuve est la prépondérance des probabilités. L’opinion selon laquelle la surdose avait « probablement » eu des effets sur la fonction rénale n’était pas seulement spéculative. Comme le diagnostic d’insuffisance rénale aiguë superposée à une insuffisance rénale chronique avait été posé après la surdose, le comité a conclu que le travailleur avait droit à indemnisation pour les effets de la surdose sur sa fonction rénale.L’appel a été accueilli en partie.